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LA CASE A FARINE
13 décembre 2009

PERIODE 2

« Romual aye chaché man Licette pou moin, fai’ vit’ man ka péd’ dlo, ti manmail’ la ka vini ! dépéché côou ! »

(Romuald va chercher madame Lucette pour moi, fait vite car je perds les eaux, le bébé va naître ! Je t’en prie dépêche-toi !)

Il s’habilla en vitesse pour se rendre chez madame Lucette FONDELOT la sage femme, au quartier Bon Air.

Pour gagner du temps, un de ses proches voisins, « ti sonson » qui était un lève-tôt l’amena à bord de sa Peugeot 203 camionnette bachée. Il avait acheté ce véhicule grâce à sa pension d’ancien militaire et de la vente de terres constructibles dans le Sud. Le parc automobile de l’époque était très peu important. Ce véhicule forçait l’admiration du quartier et des environs.

En apercevant Romuald la sage femme lui précisa que c’était la lune et la bonne date.

Dès son arrivée au quartier Saint-Laurent, elle commença à aider Manotte pour l’accouchement.

« Allé Manott’ poussé encô ! ti manmaill’ la ka sôti ! »  (Allons Manotte pousse une dernière fois ! Le bébé va complètement sortir ! )

Lucette en saisissant le bébé par les deux pieds lui donna une tape au derrière. Le nouveau-né poussa un cri qui rassura la mère.

Pendant qu’elle prodiguait les premiers soins Lucette s’exclama « Manott’ ti bolom’ ta-a pa ké rété lontan épi-ou ! »  (Manotte ce garçon ne restera pas longtemps avec toi !) . Il paraît que cette sage-femme faisait des « séances » (Médium.)

« Man Licette man pa ka ouè poutchi yiche moin-a pé ké rété épi moin ! »   (Madame Lucette je ne vois pas pourquoi mon fils ne restera pas à la maison !)

«Manott’  Tout kouyon mô Sain Piè et man vivan ! »  (Manotte toutes les idiotes sont mortes lors de l’éruption de la montagne Pelé à Saint-Pierre et je suis vivante !)

L’arrivée des frères et sœurs du bébé mis un terme à cet échange verbal entre les deux femmes :

Adrienne (7 ans), Fortuné (5 ans), Clothaire (3 ans) et Constance (18 mois) regardèrent avec émerveillement et curiosité le petit frère qui venait de naître. Bientôt il faudrait lui faire une petite place dans l’unique lit réservé aux enfants. Le matelas était constitué de vieux linges de toutes sortes inutilisables, le tout dans un grand sac.

« Romual parmis toute cé ti mamaille la, cé ta la ki ka semm’ou pliss ! » (Romuald parmis tes enfants c’est celui-ci qui te ressemble le plus).

« Man Licett’ si ou di çà cé çà » (Madame Lucette çà doit être vrai)

« Manott’ ki nom ou ka ba ti bolom la ? » (Manotte comment vas-tu prénommé ce garçon ?)

« Romual man ké crié-i’ Chale, ou sav’ kon patron moin bétchié-a missié Charles DE FONSIGNAC DE LA TOUCHE TREVILLE ta-a ki ni tout tè can’la Morne-des-Esses » (Romuald je vais lui donner comme prénom Charles, tu sais comme mon patron le béké (1) monsieur Charles DE FONSIGNAC DE LA TOUCHE TREVILLE  celui qui possède l’habitation (2)  et les centaines d’hectares de cannes à sucre au Morne des esses)

Romuald resta un peu pensif puis il répondit à Manotte :

« Bon man ka espéré nom ta la péké focé ti manmaille la, pé têt’ çà ké empéché yo crié-i’ cooli (1) » (Bien j’espère que ce prénom ne va pas l’handicaper plus tard, au moins çà empêchera peut-être qu’on l’interpelle coolie )

La pauvre femme savait qu’elle devait impérativement reprendre le travail dans huit jours à l’habitation. Elle était ouvrière journalière dans les champs de cannes à sucre, où elle était amarreuse (2). Ce travail n’était pas une partie de plaisir car les feuilles tranchantes des cannes éraflaient les bras et toutes les parties du corps à nu.

« La simin’ prochin’ fok’ man fai encô plis’ pils cann’ çà ka fai cinq ti mamaille atchèl’men ! » (La semaine prochaine à la reprise du travail il faudra que j’augmente mon quota de piles de cannes,  maintenant il y a cinq enfants à nourrir !).

A l’annonce de la naissance la voisine, qui habitait derrière leur case, emmena une peau de cabri pour recouvrir le bébé.

« Léontin’ fout’ ou bon ! mèci an pil ! »  (Léontine tu es très bonne et très gentille, je te remercie beaucoup !). Ce cadeau évita à Manotte de payer une couverture chez le Syrien (3).

« An lott’ bagaill Romual fok pa nou oublié allé déclaré Charles la mairie Sainte-Marie épi otchipé di cé ti mamaille la ma ka posé atcheleman. » (Autre chose Romuald n’oublie pas que nous devons d’aller déclarer la naissance de Charles à la mairie de Sainte-Marie et occupe toi des enfants car je vais me reposer maintenant.)

D’autres connaissances dans les parages vinrent aux nouvelles ce qui donna l’occasion à l’heureux papa de boire quelques petits verres de rhum sous la véranda.

A la fin de la journée Romuald s’en alla pour s’occuper des animeaux domestiques.

« Adrienne otchipé-ou di cé ti mamaille la ma ka allé en fond-a pou ba cé bêtes la boè épi zèb ! » (Adrienne occupe toi des tes frères et sœurs je descends vers la ravine (4) pour donner à boire et de l’herbe aux bêtes !)

« Pou au souè-a mété en difé fri a pain épi lan mori, cé ça ki moin chè, mé pa mété tro gros moceau pou tout’ moune ni » (Pour ce soir tu feras cuire des fruits à pain (5) avec de la morue, c’est ce qu’il y a de moins cher, ne mets pas les morceaux trop gros pour que tout le monde aie sa part) .

« Si zot’ pa fai bétises man ké rapoté an bel corosol ki a dan pié-a ki an fond ravin’ la » (Si vous ne faites pas de bêtises je vous ramènerai un corossol (6) du pied qui est au fond de la ravine).

Puis il lâchât : « man ké ti brin plis trantchil’ atchèl’men, piss’ manman zot’ pé ké ni l’envi nimpot’ ki çà ! » (Maintenant je vais être un peu plus tranquille puisque votre mère n’aura plus d’envie de n’importe quoi !)

Il se rappelait que pendant la grossesse de Manotte celle-ci eu envie de manger un "manicou" (Opossum). Elle avait repéré cet animal dans un gros manguier et demanda à un garçon du quartier de l'attraper. Mais quand celui-ci commença à jeter de l'arbre des carcasses de crapauds provenant des repas du "manicou", l'envie de Manotte cessa immédiatement, et elle héla au jeune garçon : "ti bolom' kité ça tombé la minm' ! man pa lémanicou-a encô ! decenn' a tè ! "   (Laisse tomber ! Je ne veux plus manger du manicou ! Descend !).

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